Maroni
Entre vous et moi…
Je prends ma source à 700 mètres d’altitude, au sud-est du Suriname et je traverse la forêt amazonienne sur 610 kilomètres avant de me jeter dans l’océan atlantique. Je forme la frontière naturelle entre le Suriname et la Guyane. Pour autant, je suis une voie de communication capitale et un vecteur de brassage entre populations riveraines du fleuve : commerce, transport de personnes, accès aux soins, aux écoles, etc. Quasiment toute l’activité économique et sociale passe par moi. Je suis un lieu de passage rendu périlleux par endroits pour les pirogues du fait de nombreux rapides.
Dans l’intimité du Maroni
- Longueur : 610 kilomètres (le plus long fleuve de Guyane)
- Bassin versant : 65 000 km²
- Débit moyen : 1 700 m³ par seconde
- Pays traversés : Suriname, Guyane
- Principales villes : Saint-Laurent du Maroni, Grand-Santi (Guyane), Albina, Maripassoula, et Benzdorp (Suriname)
- Affluents du Maroni : le Tapanahoni, la Sparouine, la Beiman, le Grand et Petit Abounami, l’Inini, la Tampok et la Marouini
Terre et forêts nées de l’eau : l’incroyable richesse naturelle de la Guyane
Avec ses 83 856 km2, la Guyane est le plus grand département français d’Outre-Mer. Situé entre le Brésil et le Suriname, elle bénéficie d’une situation géographique et de ressources naturelles exceptionnelles. Recouverte à plus de 95 % par la forêt équatoriale, elle se classe selon l’Unesco au 3ème rang mondial en termes d’eau douce disponible, avec ses deux fleuves, l’Oyapok et le Maroni et ses nombreux cours d’eau. La ressource en eau est abondante mais sous-exploitée, que ce soit pour l’accès à l’eau potable, la navigation ou la fourniture d’énergie. Et elle est souvent porteuse de maladies.
Un peu d’histoire
Pendant des siècles, j’ai fait l’objet d’âpres négociations entre la France et les Pays-Bas. Je deviens officiellement une frontière entre les deux puissances en 1713 avec la signature du traité franco-hollandais d’Ultrecht. En 1860, français et hollandais ne parviennent plus à se mettre d’accord et il faudra attendre 1935 pour qu’une frontière soit fixée sur la partie basse de mes eaux nommée Litani. Un tracé qui reste contesté par le Suriname.
L’absence d’une délimitation frontalière claire s’ajoute à mon manque de statut juridique. La réalité sociale est toute autre car je suis depuis toujours un axe de circulation important et un lieu de brassage des populations.
Les ravages de l’orpaillage illégal
Depuis 30 ans, la Guyane connaît une ruée vers l’or incontrôlée avec l’augmentation du nombre d’exploitations illégales, disséminées le plus souvent en forêt profonde. Même s’il reste difficile d’en connaître le nombre, on estime que 10 tonnes d’or sont produites chaque année par 6 000 à 10 000 orpailleurs clandestins, essentiellement brésiliens, sur une superficie de 7,5 millions d’hectares. Les impacts écologiques et humains sont immenses : déforestation, destruction des cours d’eau, contamination par le mercure, insécurité et précarité sanitaire.
Le Bassin du Maroni : une mixité de populations
En Guyane, on compte plus de 25 groupes ethniques différents, parlant chacun leur propre langue ! Il y a les Bushinengués, les Amérindiens, les Européens, les immigrants asiatiques et d’autres ethnies d’immigration plus récente (les libanais, les brésiliens…).
Les Bushinengués, aussi appelés Noirs marrons, sont les peuples descendants d’esclaves africains emmenés au Suriname pour travailler dans les plantationsAu total, 4 000 bushinengues (6% de la population) vivent aujourd’hui sur mes rives et dans les grandes villes du littoral : Kourou, Cayenne, et Saint-Laurent du Maroni.
On compte aussi les Amérindiens (12 % de la population guyanaise), les guyanais de langue maternelle créole (30 %), les Européens (15 %) …
La Guyane connait un fort taux de natalité et sa population devrait atteindre 316 000 habitants d’ici 2030 (contre 274 150 aujourd’hui). Une poussée démographique qui engendre la création de « quartiers spontanés » (50% de l’habitat de la ville de Saint-Laurent du Maroni) sans accès à l’eau potable et traitement des eaux usées. Sur l’ensemble de la région, de 13 à 20% de la population vivrait sans eau ni électricité.
Un fleuve sous-exploité
Une voie de transport essentielle, mais non aménagée
Avec l’Oyapock, nous ne sommes pas inscrits parmi les voies navigables de France, mais la navigation se pratique sur nos eaux. Je suis par exemple le seul moyen pour relier la côte et l’intérieur des terres. Les pirogues transportent quotidiennement des passagers et des marchandises, et servent aussi de transports scolaires. Plus de 20 000 personnes m’empruntent, 10 000 tonnes de fret et 30 000m3 de carburant sont aussi transportés annuellement sur mes eaux.
Un potentiel hydraulique pour la fourniture d’énergie
Actuellement, il n’existe aucun aménagement sur mon linéaire. Pourtant, il y aurait un potentiel de production en petite hydroélectricité.
Eau potable et assainissement : un déficit d’infrastructures
Plus de 46 000 personnes n’ont pas un accès direct à l’eau potable. La situation est particulièrement difficile sur mon bassin avec la dispersion des habitants sur un vaste territoire et l’augmentation croissante de la population. D’où la nécessité d’accroître la capacité de production en eau potable et de renforcer le réseau.
Fleuve et santé
L’eau vectrice de graves maladies
Typhoïde, choléra, dysenterie ou encore gastroentérites aigues : l’eau est vectrice de nombreux parasites à l’origine de ces maladies hydriques. Avec l’amélioration de l’habitat et de l’accès à l’eau potable, la typhoïde est en recul, mais les flux migratoires apportent de nouvelles maladies.
À l’intérieur des terres, les populations utilisent les eaux de surface des rivières et des criques pour se laver, faire la vaisselle ou la lessive. Des points d’eau où prolifèrent les insectes et parasites vecteurs de nombreuses maladies responsables notamment d’une surmortalité infantile par diarrhée.
Maladies infectieuses transmises par les moustiques
Malgré la présence de 18 centres de prévention sanitaires (CDPS) et d’une équipe mobile de santé publique, le paludisme, la fièvre jaune, le chikungunya, le zika, et la dengue, qui sont les maladies tropicales transmises par les moustiques, continuent d’affecter gravement les populations.
La région du Maroni est d’ailleurs la plus touchée par l’endémie paludique et les épidémies de dengue liées aux eaux stagnantes urbaines sont de plus en plus fréquentes.