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Toutes les actualitésClimat : les scientifiques toujours plus alarmistes et force de propositions
Le groupe d’experts internationaux du climat – le GIEC – a rendu fin septembre son troisième rapport spécial, consacré aux océans et à la cryosphère. Certaines estimations sont encore plus sombres que les précédentes, notamment sur le rythme du réchauffement des océans et la montée du niveau des mers. Mais, au-delà du constat, les experts souhaitent accompagner les Etats en proposant des pistes de solutions. Une démarche reprise plus largement par 11 000 scientifiques peu de temps après…
Des changements déjà « irréversibles » pour les humains
Montée du niveau des océans d’au moins un mètre d’ici 2100, petites îles menacées de submersion, glaciers qui disparaissent… Certains des impacts dévastateurs du changement climatique sont déjà « irréversibles », note le GIEC.
Alors qu’au siècle dernier, l’océan s’élevait de 1,4 mm en moyenne par an, le niveau est de 3,6 mm aujourd’hui, avec la dilatation thermique de l’océan, au fur et à mesure qu’il se réchauffe mais aussi et surtout la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique. Les deltas et littoraux, très peuplés, seront donc de plus en vulnérables aux inondations ou à d’autres événements météorologiques extrêmes, comme les cyclones.
Même dans un scénario « optimiste » d’un monde à +2°C, de nombreuses mégapoles et petites îles devraient être frappées d’ici 2050 au moins une fois par an par un événement extrême qui ne se produisait jusqu’alors que tous les 100 ans. Dans le pire des scénarios, un milliard de personnes seraient touchées par l’élévation du niveau des mers d’ici 2050 et il pourrait y avoir 280 millions migrants climatiques d’ici 2100. Des migrants climatiques qui fuiront la montée des eaux, la perte de leurs terres devenues trop salées ou la disparition de leur activité de pêche.
Acidification et perte d’oxygénation des océans
Les dommages ne seront pas qu’humains ; les changements seront aussi sévères pour les organismes vivants.
A eux seuls, les océans ont absorbé plus de 90 % de la chaleur excédentaire introduite dans le système Terre par les émissions de gaz à effet de serre humaines produites depuis l’après-guerre. Ils épongent aussi de 20 à 30 % de nos émissions de CO2. La cryosphère, qui est l’ensemble des glaces sur Terre, est, elle aussi, un puissant puits de carbone et de chaleur. L’océan s’est donc réchauffé sans relâche (un réchauffement doublé depuis 1993 !) et ses services risquent d’être fortement altérés car il s’acidifie et perd son oxygène.
Pour preuve, les zones mortes ont progressé de 3 à 8 % de la surface des océans entre 1970 et 2010, sous l’effet du réchauffement mais aussi des excès d’azote et de phosphore issus de l’agriculture intensive et des rejets d’eaux usées non traitées qui ruissellent dans les fleuves et sont drainés jusqu’aux océans.
Ces changements provoquent notamment une diminution du plancton, la nourriture principale des poissons, et mettent à mal les capacités d’adaptation de nombreuses espèces. Les espèces, qui le peuvent, tendent à migrer vers les pôles – elles se déplacent de 30 km à 50 km par décennie depuis les années 1950.
Pour contrer tous ces effets, les rapporteurs plaident pour une restauration des milieux naturels : mangroves, récifs coralliens, herbiers sous-marins, plages, dunes, qui constituent les meilleurs remparts pour atténuer les vagues tout en permettant de sauvegarder une riche biodiversité.
Un vaste appel des scientifiques pour préserver la vie sur Terre
Peu de temps après ce rapport du GIEC, plus de 11 000 climatologues mais aussi biologistes, physiciens, chimistes ou agronomes, issus de 153 pays ont signé un appel publié le 5 novembre dans la revue BioScience. Ils préviennent que les humains risquent des « souffrances indescriptibles » liées à l’urgence climatique et appellent à des transformations mondiales de nos modes de vie afin de préserver la vie sur Terre, « notre unique maison ».
Ce n’est pas la première fois que les scientifiques tirent la sonnette d’alarme. Il y a quarante ans, en 1979, des chercheurs de cinquante pays, menés par le biologiste William Ripple (université de l’Oregon, Etats-Unis), s’étaient réunis lors de la première conférence mondiale sur le climat, à Genève, et avaient alerté sur la nécessité d’agir contre le changement climatique. Depuis, les mises en garde se sont multipliées, à l’occasion du Sommet de la Terre de Rio de 1992, de l’adoption de l’accord de Paris en 2015 ou dans les nombreux rapports du Groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Toujours à l’initiative de William Ripple, 15 000 scientifiques avertissaient dans un manifeste publié dans la même revue de la dégradation catastrophique de l’environnement et du monde vivant en 2017.
Efforts inutiles ? Les émissions mondiales de dioxyde de carbone (CO2) d’origine fossile, émanant des activités humaines, poursuivent leur inexorable progression et devraient atteindre un nouveau record en 2019, à 37 milliards de tonnes. Seule petite lueur d’espoir selon le bilan annuel du Global Carbon Project publié début décembre : la croissance a ralenti cette année grâce à la baisse du recours au charbon. Mais si l’on considère les émissions liées à la déforestation et aux autres changements d’affectation des sols (destruction de prairies…) – qui progressent en raison des feux en Amazonie, mais dont les estimations sont plus incertaines – le bilan total devrait s’élever à 43,1 milliards de tonnes de CO2 en 2019.
Des leviers d’action pour faire face à l’ampleur de la crise
Néanmoins, ces appels répétés des scientifiques rendent désormais le déni difficile, même s’il reste toujours une grande marche à franchir entre le savoir et le croire, la prise de conscience et l’action politique. Surtout ils montrent l’ampleur de la crise auxquelles doivent répondre les 196 pays encore récemment réunis lors de la conférence des Nations unies sur le climat (COP25), à Madrid et devraient les inciter à relever leurs ambitions. A chaque nouvelle étude, les prévisions sont encore plus menaçantes que dans les précédents diagnostics. Les indicateurs montrent que la crise climatique s’accélère davantage que ce qu’ils ont pu anticiper et que ses conséquences augmentent rapidement, notamment dans les régions les plus pauvres du monde.
Les scientifiques ont donc décidé d’accompagner les politiques dans leur prise de décision et multiplient les recommandations. Leur dernier appel propose six leviers d’action comme la sortie des énergies fossiles, la baisse de la consommation de viande, la protection des écosystèmes… Quitte à sortir de leur neutralité d’expert et basculer dans un texte d’opinion ? C’est la critique qui leur est faite par certains, au regard de leur proposition de maîtriser la démographie. L’apport des sciences économiques et sociales au diagnostic pourrait sans nul doute conforter leurs préconisations, et rendre encore plus puissante l’alerte.