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Europe : vers l’utilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation

Le 13 mai dernier, le Parlement européen a définitivement adopté le règlement sur la réutilisation des eaux usées traitées. La Commission, qui avait proposé ce texte en 2018, a salué cette décision, considérée comme une avancée pour limiter les pénuries d’eau accentuées par le changement climatique.

 

En harmonisant les règles au sein de l’Union européenne et en fixant des exigences de qualité minimale, ce nouveau règlement donne un cadre pour faciliter l’utilisation des eaux usées non potables pour l’irrigation agricole. Les États membres disposent désormais d’un délai de mise en conformité pour leurs installations (stations d’épuration en priorité) de 3 ans. L’objectif est de quadrupler la réutilisation des eaux usées d’ici à 2025, pour atteindre 6,6 milliards de mètres cubes.


L’agriculture, grande buveuse d’eau

Le secteur agricole représente en moyenne 22 % des volumes totaux d’eau prélevée en Europe. Toutefois, la situation est très disparate, certains pays du sud de l’Europe recourant systématiquement à l’irrigation pour leur agriculture, qui monopolise à elle seule jusqu’à 80 % des prélèvements. L’irrigation peut, dans ces pays, multiplier par six la production agricole et par quatre les bénéfices des exploitations. Une même disparité s’observe pour la réutilisation des eaux usées traitées (ou « Reuse »), en fonction de réglementations nationales plus ou moins contraignantes : la France n’y recourt qu’à 0,6 % contre 9 % en Italie et 13 % en Espagne. Globalement, la pratique reste encore peu développée en Europe.

Utilisation de l’eau par secteurs – Source : FAO 

Au niveau mondial, le Koweït, Israël et Singapour, zones souffrant de fortes sécheresses, figurent parmi les pays les plus avancés dans le domaine, si l’on considère le pourcentage d’eau réutilisée par rapport à la quantité d’eau totale utilisée. Les eaux usées retraitées servent des usages variés : irrigation des espaces verts ou des cultures, lutte contre les incendies, lavage des voiries ou encore recharge des nappes phréatiques. Le pionnier dans le monde est l’État de Californie qui a instauré dès le début du XXe siècle la première réglementation en ce sens. Depuis, cette dernière a évolué avec des traitements toujours plus poussés pour garantir une eau de très bonne qualité et de nombreux pays s’en sont inspirés. Pour finir ce tour d’horizon mondial, le cas de Singapour fait référence. Du fait d’une densité de population très élevée et des conditions climatiques, cette île de 699 km2  a dû faire face très tôt à une pénurie en eau en augmentation et s’est tournée vers la réutilisation des eaux usées. Pour cela, le pays a mis au point un traitement innovant associant microfiltration, osmose inverse et rayonnement UV. Cette stratégie dénommée NEWater sert avant tout le secteur industriel mais une partie de l’eau produite est mélangée avec de l’eau d’origine naturelle pour ensuite alimenter le réseau d’eau potable. Aujourd’hui, 5 usines fournissent un tiers des besoins actuels en eau potable de Singapour. L’objectif est de couvrir 50 % de la demande d’ici 2060.

 

Faciliter la réutilisation des eaux usées dans le respect des consommateurs et de l’environnement

Ce nouveau règlement européen ouvre donc la voie à un changement de pratiques, en adaptant la réglementation, en imposant des exigences sanitaires et une transparence renforcée vis-à-vis des consommateurs, afin de lever un autre frein, psychologique cette fois, d’acceptabilité. La Commission européenne insiste ainsi sur le fait que « les citoyens auront accès à des informations en ligne sur les pratiques en matière de réutilisation de l’eau dans leurs Etats membres ». Ces informations seront de différentes natures : quantité et qualité de l’eau recyclée ; permis délivrés ; résultats du contrôle de la conformité, etc. avec une actualisation annuelle a minima.

La réutilisation des eaux usées urbaines traitées représente une réelle opportunité pour l’agriculture, dans un contexte de réchauffement climatique. En plus de leur disponibilité, les eaux usées traitées constituent une source alternative de nutriments, confirmée par la FAO dans un rapport daté de 2010. Elle estimait notamment que si la totalité des « eaux noires » (eaux-vannes ou rejets des toilettes) était valorisée, 30 % des engrais azotés et 15 % des engrais phosphatés pourraient être économisés. Enfin, les bénéfices environnementaux sont évidents, en limitant les prélèvements depuis les fleuves ou les aquifères.

Si des preuves de réutilisation des eaux usées pour l’agriculture ont été trouvées chez les anciennes civilisations grecques et romaines, le potentiel de développement est encore devant nous, combiné à la recherche d’économies circulaires. Parmi les conditions de la réussite : la transformation des infrastructures, dont les stations de traitement des eaux usées qui devront être conçues comme des stations de récupération des ressources, selon Marc Heran, Professeur à l’Université de Montpellier – Institut européen des membranes (IEM).

 

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