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Toutes les actualitésUne loi au secours du Yangtsé
Le 1er mars est entrée en vigueur en Chine la loi interdisant de pêcher dans tout le bassin du fleuve Yangtsé (ses affluents et lacs inclus) durant dix ans pour préserver sa biodiversité.
Un fleuve grandiose mais menacé
Le Yangtsé coule sur 6 300 kilomètres, commençant sa course dans les monts Tanggula, sur les hauts plateaux tibétains, pour finir dans la mer de Chine orientale, via un vaste estuaire, près de Shangai. Ce fleuve est impressionnant à plusieurs égards : troisième plus long fleuve du monde, il est le sixième par son débit (30 000 m3/s en moyenne). Recevant les eaux de près de 700 affluents lors de son parcours, le fleuve draine un bassin hydrographique d’1,8 million de km² qui abrite un cinquième de la population du pays soit près de 280 millions de personnes. Outre sa taille impressionnante, le Yangtsé contribue à la grandeur économique chinoise, 20 % du PIB national étant produit dans son delta. Il est enfin le refuge d’une biodiversité unique au monde, par la variété de ses écosystèmes naturels tout au long de son cours. Esturgeons, poissons scies, grues du Japon, alligators de Chine ou encore la plus grande salamandre au monde (Audrias davidianus) peuplent ses eaux.
Pour le préserver, une nouvelle réglementation contraignante vient d’être mise en application.
Une politique de plus en plus restrictive…
C’est à l’issue de décennies de pollution et de surexploitation que Pékin a pris la décision d’interdire ponctuellement la pêche dans le Yangtsé en 2003. Chaque année, l’activité était suspendue pendant une période de trois mois, étendue à quatre à partir de 2016. L’objectif était de protéger les stocks halieutiques du bassin du Yangtsé. D’autres actions de conservation ont été prises en complément, comme la fermeture d’usines chimiques et la création de réserves naturelles protégées. Les résultats de ces mesures se sont révélés probants mais pas encore suffisants pour le Yangtsé, par ailleurs premier contributeur mondial de plastiques dans les océans.
Face à ce constat, le Congrès National du Peuple a adopté le 26 décembre dernier une nouvelle loi pour renforcer la protection du fleuve qui est entrée en vigueur au 1er mars de cette année. Outre l’interdiction des activités de pêche dans l’ensemble du bassin-versant, tous les projets chimiques proposés dans un rayon d’un kilomètre du fleuve sont désormais interdits, et les projets existants ne pourront pas être développés. D’autres industries polluantes seront contraintes de déménager, tandis que l’extraction de sable dans le lit du fleuve, qui accentue l’érosion des berges, sera sévèrement limitée.
… Mais insuffisante ?
Si la décision du gouvernement est largement applaudie, des critiques s’élèvent devant une loi qui semble réduire le problème de l’eau du Yangtsé à la seule activité de pêche. C’est le point de vue de Sieren Ernst, dirigeant du Climate Cost Project
l’interdiction de la pêche ne suffira pas à transformer le Yangtsé en rivière saine ».
Une autre cause est à rechercher au niveau de onze barrages présents sur le parcours du fleuve qui ont participé à la perturbation de l’écosystème et notamment à la migration des poissons. De nombreux scientifiques appellent à la coopération de tous les ministères pour que la protection écologique du fleuve soit incluse dans tous les plans de développement urbain et économique du pays.
Le Climate Cost Project appelle de son côté à
un programme global de gestion de l’écosystème pour l’ensemble du bassin du Yangtsé, qui veillerait sur la santé biologique dans la région, y compris celle des humains ».
La santé des humains est bien en jeu depuis que d’importantes traces de thallium ont été découvertes dans le cours supérieur de Yangtsé, provenant de plusieurs usines métallurgiques situées au bord de la rivière Jialing, affluent du Yangtsé. Le risque est pris au sérieux par les autorités, le thallium pouvant affecter le système nerveux, les poumons, le cœur, le foie et les reins si de grandes quantités sont consommées en peu de temps.