Actualité
Toutes les actualités10e session internationale d’IAGF : une ouverture sur les lacs et la perspective de futurs jumelages
Du 27 septembre au 1er octobre dernier s’est tenue en Suisse la 10e session internationale d’IAGF. Deux ans que les membres de l’association n’avaient pas pu se réunir en personne ! Le format hybride a permis d’associer en visioconférence les participants d’Océanie et d’Asie, soumis aux restrictions sanitaires, à ceux qui ont pu venir d’Europe, d’Amérique et d’Afrique pour échanger autour du thème : « Fleuve, Lac et Ville : les conditions d’une alliance réussie ».
La Suisse, hôte d’une 10e session aux multiples dimensions
C’est l’Office de l’eau du canton de Genève et son Directeur général, Gilles Mulhauser, qui ont accueilli cette session, avec la contribution d’autres partenaires sur place : les cantons du Valais et de Vaud, la CIPEL (Commission Internationale pour la Protection des Eaux du Léman), SIG (Services Industriels de Genève) et l’Université de Genève. Membre du Comité des fleuves depuis 2016, M. Mulhauser explique : « La Suisse a des choses à montrer : nous avons un bassin versant très urbanisé. C’est ce qui a défini le thème de la session : voir comment nous traitons les rapports entre le lac, le fleuve et la ville. Nous disposons de moyens financiers que d’autres régions n’ont pas, notamment en matière de traitement des eaux usées. Cela peut être source d’enseignement. »
Les participants ont pu s’imprégner de la thématique tout en admirant le paysage : les séances de travail se sont en effet partagées entre la Société Nautique de Genève, au bord du Léman, sur la rive gauche du Rhône, près de l’embouchure du lac, et le bateau Henry Dunant qui a vogué du château de Chillon à Nyon. « Nous avons été “sur le dos de la bête” en naviguant sur le Léman. L’objet de nos discussions est devenu sujet », déclare Gilles Mulhauser, qui tenait à donner une place concrète au fleuve autant qu’au lac dans l’organisation de cette session.
Outre cette approche terrain, le Comité des Fleuves d’IAGF a pu écouter et échanger avec les différentes parties prenantes du Rhône, du Léman, et de l’eau en général, grâce à une participation très large : gestionnaires et autorités politiques bien sûr, mais aussi société civile, chercheurs et instances onusiennes, la délégation IAGF ayant été accueillie au Palais des Nations à l’occasion de la 9e Conférence des Parties sur la Convention Eau, qui s’est déroulée cette même semaine.
Ces échanges sont un prérequis indispensable pour comprendre les enjeux locaux et établir les recommandations attendues sur la relation entre la Ville et son Fleuve, en croisant les expériences entre continents et savoirs. Ils ont été structurés en trois grands axes : la gestion du risque inondation, la préservation des milieux aquatiques et l’eau en ville. Un atelier de travail a par ailleurs été mené par l’Institut des Sciences de l’Environnement de l’Université de Genève sur la question de la donnée : « Pour des connaissances scientifiques partagées ».
Grands fleuves et lacs : une pertinence commune
De par son territoire d’accueil et la thématique retenue, IAGF a, pour la première fois, intégré spécifiquement dans ses réflexions le lac. « Tout le monde a été d’accord pour dire qu’il y a des convergences entre les grands fleuves et les lacs. La session suisse nous a permis de faire face concrètement à cette question qui avait déjà été évoquée lors de sessions précédentes », indique l’hôte genevois.
Cette intégration des lacs est cohérente avec l’approche globale menée par IAGF. Le lac peut inspirer le fleuve, notamment en termes de gouvernance, selon Gilles Mulhauser : « Autant nous avons une gouvernance partagée entre la Suisse et la France depuis 60 ans pour le Léman, autant il n’y a pas d’instance de coordination pour le Rhône, contrairement au Rhin. Faut-il pour autant créer une seule instance de gouvernance pour le lac et pour le fleuve ? La question mérite d’être traitée. »
Parle-t-on d’un lac de la même manière qu’on parle d’un fleuve ? »
– Gilles Mulhauser
Jumeler les lacs dans un esprit de solidarité mutuelle
Les lacs ont aussi été au cœur des discussions du fait de la demande de jumelage émise par certains membres africains. « Nos collègues d’Afrique sont très intéressés par nos modèles d’observation et de gestion des données du lac. Ils sont en demande de soutien technique. La région lémanique dispose d’un grand savoir-faire sur le sujet », remarque le Directeur de l’Office de l’eau genevois.
Un jumelage entre le lac Tchad et le Léman, par exemple, serait l’occasion de pratiquer une solidarité internationale à double sens : les Suisses peuvent apporter leurs compétences techniques tandis que les experts du bassin du Tchad sont en mesure de partager leurs connaissances en matière de gestion de crise, de l’eau potable notamment. « Ce système d’enseignement mutuel devrait favoriser les jumelages. Notre situation privilégiée en Suisse engendre des responsabilités : Genève a un rôle à jouer pour aider d’autres régions du monde à retrouver de la résilience face aux problèmes climatiques et sanitaires », souligne Gilles Mulhauser.
Le bilan de la session : un boost intellectuel autant qu’une envie d’agir
Boosté par la convivialité et le niveau d’échanges de cette 10e session, son hôte la décrit comme « un concentré d’énergie et de bonheur ». Il en ressort dopé par l’envie de faire : « Je suis convaincu que le partage intellectuel et le brassage multithématique entre universitaires, fonctionnaires et experts qu’a permis cette session IAGF est le bon moyen de procéder pour stimuler chacun. »
Gilles Mulhauser loue aussi le côté motivant du haut niveau de narration de la session : « Si nous voulons donner du sens à nos constats scientifiques, géographiques, historiques et politiques, il faut savoir raconter à nos partenaires médiatiques comme économiques des histoires autour des fleuves, comme le fait si bien Erik Orsenna. »
Antonio Hodgers, Conseiller d’Etat du Canton de Genève, qui a assisté à la synthèse de la session, l’a quittée riche de ce qu’il y a entendu, en mesure de porter cette parole au niveau politique. Il y a notamment déclaré : « Il est impossible éthiquement de refuser un droit de regard à un voisin sur une ressource hydraulique située en amont. Tous les peuples doivent pouvoir s’entendre sur ce point. Autrement, la guerre en découle. Il ne peut y avoir de paix dans des situations de stress hydrique, de détresse humaine, d’atteinte à l’agriculture et d’atteinte à la vie en général. »
Enfin, le jumelage ne doit pas être que technique : les membres d’IAGF ont évoqué l’idée de mettre en réseau de grands festivals de musique, comme le Paléo Festival de Nyon et les festivals de jazz de Montreux, de Saint-Louis (Sénégal) et de Montréal, par exemple, afin de développer davantage le lien affectif et identitaire avec le fleuve et le lac. Gilles Mulhauser explique : « Nous ne sommes pas que des scientifiques. Nous souhaitons rendre la question des fleuves vivante : ce sont des bassins culturels. » La session suisse s’est ainsi close sur des messages prônant le soutien à la paix et à l’eau, à la musique et aux grands fleuves.
L’émerveillement, c’est le meilleur moyen de l’alerte. »
– Erik Orsenna lors de la restitution officielle de la 10e session internationale d’IAGF