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Nouvelle-Zélande : le peuple maori veut exercer un contrôle plus fort sur les cours d’eau de l’île du Sud

Fin 2021, les peuples autochtones de l’île du Sud en Nouvelle-Zélande ont lancé une procédure en justice contre l’Etat pour stopper la dégradation des cours d’eau et prendre davantage part à leur gestion. Une action qui s’inscrit dans la longue lutte de ces communautés pour faire reconnaître leurs droits mais aussi ceux de la Nature.

Algues toxiques dans les rivières pastorales néo-zélandaises (Source : The Guardian, Naomi Haussman)

Le 5 août 2014, le gouvernement néo-zélandais signait avec les représentants maoris un règlement historique qui reconnait le fleuve Whanganui, sur la côte ouest de l’île du Nord, comme un être vivant, inextricablement lié aux populations locales. La personnification juridique du Whanganui s’inscrit en effet dans une reconnaissance plus large des droits culturels des peuples autochtones et de leur cosmologie. Cette dernière repose sur le principe que les humains ne sont pas séparés des autres éléments de l’ensemble vivant qu’est Te Awa Tupua (littéralement, l’ensemble indivisible et vivant, englobant tous les éléments physiques et métaphysiques de la rivière). Ce postulat s’exprime notamment dans le dicton souvent utilisé par l’iwi (tribu) Whanganui, “Ko au te Awa, ko te Awa ko au” (“Je suis la rivière, la rivière est moi“).

Considérée comme un ancêtre, la rivière est dès lors protégée par deux gardiens, un choisi par le gouvernement et un autre par les tribus locales, qui veillent à sa bonne santé et parlent en son nom. Ce règlement sera entériné en mars 2017 par une loi votée par le Parlement de Nouvelle-Zélande, qui répond à des revendications portées depuis plus d’un siècle par les peuples autochtones.

Aujourd’hui, le combat reprend, mené cette fois par la plus grande tribu du sud du pays, Ngāi Tahu. Elle compte poursuivre le gouvernement en justice : elle l’accuse de ne pas protéger suffisamment les cours d’eau. Elle demande en outre à avoir l’autorité pour les gérer sur une grande partie de l’île du Sud.

Les dérives de l’essor de l’industrie laitière

 

Cette nouvelle affaire juridique s’inscrit dans le cadre de batailles politiques, culturelles et économiques qui se déroulent dans tout le pays, entre partisans d’une agriculture productiviste, défenseurs de l’environnement et volonté des Maoris de faire reconnaitre leur souveraineté sur les ressources naturelles dont ils estiment être les gardiens. Elles portent enfin la marque du passé colonial qui a, pendant longtemps, coupé, voire privé, ces peuples de leurs terres et des cours d’eau. Le contexte est dans cette île encore plus complexe, les rivières traversant des paysages naturels très fragiles alors que l’activité agricole prospère.

Depuis les années 1990, les gouvernements successifs de Nouvelle-Zélande ont mis l’accent sur le développement de l’industrie laitière comme moteur des exportations et de l’économie. En ligne de mire : l’immense marché chinois, et derrière lui tout le reste de l’Asie. Le nombre de vaches dans le pays a ainsi doublé depuis 20 ans, pour atteindre plus de 4,5 millions de têtes, et de nombreuses exploitations auparavant dédiées à la production de viande se sont converties à la production laitière. Elle représente désormais plusieurs milliards de dollars, soit 3 % du PIB du pays et 20 % du total des exportations. Cette industrialisation de la production s’est traduite notamment par un recours accru à l’eau et aux engrais riches en azote pour irriguer les prairies et a provoqué la détérioration de la qualité des eaux souterraines et de surface.

De nombreux cours d’eau qui traversent les terres des Ngāi Tahu ont été contaminés. Les poissons et les anguilles que la tribu pêche depuis des générations sont menacés et les algues toxiques, provoquées par les concentrations élevées d’azote, prolifèrent. 95 % des rivières qui traversent les terres pastorales sont contaminées. Et cette pollution a bien évidemment un impact sur la santé humaine. Des recherches menées tout récemment par l’Université d’Otago ont révélé que 800 000 Néo-Zélandais buvaient de l’eau présentant des niveaux dangereux de contamination par les nitrates.

Une perte identitaire

 

Rivières faisant partie du patrimoine Ngāi Tahu (Source : Ngāi Tahu – the iwi)

La dégradation des eaux douces représente bien plus que la perte d’une source de nourriture ou d’un cadre de vie et de loisirs. C’est une part de l’identité maorie qui est ici en jeu et la remise en cause de la transmission intergénérationnelle d’un commun.

Pour y remédier, la communauté de Ngāi Tahu a décidé fin 2021 de déposer une action en justice pour revendiquer la primauté de leur « Rangatiratanga », c’est-à-dire les droits de gouvernance dont elle dispose sur la ressource en eau mais aussi leur responsabilité pour sa protection. Cette demande a immédiatement suscité un vif débat public sur la question de la propriété d’un commun, pourtant non réclamée par les Maoris, alors que le gouvernement a récemment présenté une série de réformes (voir le précédent article paru dans le climat des fleuves) pour une co-gouvernance de l’eau entre les autorités étatiques et les communautés locales.

Alors que le débat s’est cristallisé sur des questions de séparatisme et de mainmise sur la ressource en eau par certains, la démarche engagée par les Ngāi Tahu pose au contraire une question fondamentale : comment mettre en œuvre une gestion holistique de l’eau, qui s’appuie sur une vision de long terme et les savoirs ancestraux ?

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