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6ème limite planétaire : la limite de l’eau verte vient d’être franchie

Après celle de la pollution chimique en début d’année, une 6e limite planétaire vient d’être franchie, concernant l’eau verte, c’est-à-dire la part de l’eau issue des précipitations et absorbée par les végétaux. Avec l’eau bleue, elle constitue un élément fondamental du cycle de l’eau, selon la modélisation des neufs limites planétaires établies par le Stockholm Resilience Centre en 2009.

Une eau verte encore trop peu prise en compte

Les chercheurs internationaux réunis par le Stockholm Resilience Centre font le constat dans une étude parue le 28 avril dans la Revue Nature que l’eau verte n’a pas été suffisamment considérée dans les études précédentes. L’eau verte est en effet invisible à l’œil nu : il s’agit de l’eau issue des précipitations atmosphériques qui est ensuite absorbée par la végétation. L’eau bleue, au contraire, est plus facile à mesurer : c’est l’eau qui s’écoule dans les cours d’eaux, traverse les lacs, les aquifères, les eaux souterraines, et se retrouve dans la mer. Ces eaux souterraines ou de surface étaient les seules considérées dans les études précédentes.

Pour évaluer cette eau verte, les scientifiques ont mesuré l’écart entre l’humidité constatée des sols sur la planète et les variations normales attendues en période Holocène. Ils proposent d’intégrer ce nouveau critère dans l’évaluation du changement du cycle de l’eau douce, voire d’en faire une dixième limite planétaire. Surtout, sur la base de leur analyse et du constat d’une détérioration généralisée du système terrestre par les activités humaines, ils concluent que la limite planétaire de l’eau verte a déjà été franchie par l’humanité.

 

Un dérèglement aux effets dominos

L’eau verte est pourtant essentielle au fonctionnement du cycle de l’eau : elle joue un rôle crucial dans le maintien de l’humidité des sols, la résilience de la biosphère, la sécurisation des puits de carbone et la régulation de la circulation de l’eau dans l’atmosphère. Plus généralement, les perturbations du cycle de l’eau en général sont des menaces qui pèsent sur la résilience des écosystèmes. En effet, le dérèglement du cycle de l’eau contribue à deux phénomènes dangereux : l’eau peut s’accumuler dans l’atmosphère et augmenter les effets de gaz à effet de serre, ou ne plus être absorbée par les sols et ainsi accélérer la montée des eaux.

L’eau est la circulation sanguine de la biosphère. Mais nous sommes en train de modifier profondément le cycle de l’eau. Cela affectera la santé de la planète entière et la rendra beaucoup moins résistante aux chocs – Lan Wang-Erlandsson, auteur principal de l’étude.

Ce bouleversement du cycle de l’eau également évoqué par l’hydrologue Emma Haziza, dans la conférence qu’elle a donnée pour IAGF (voir l’article).

 

Plus qu’une limite : une frontière

Cette 6e limite est à comprendre comme une frontière au-delà de laquelle l’humanité entre dans une incertitude totale sur le fonctionnement de la biosphère. Aurélien Boutaud, chercheur au CNRS et auteur du livre Les limites planétaires, expliquait à l’antenne de France Culture le 4 avril dernier que ces limites ne sont pas un point de basculement, mais un seuil au-delà duquel rien n’est sûr : « Imaginons que des scientifiques vous disent que vous pouvez avancer sur la banquise jusqu’à 10 mètres, et qu’ensuite la glace peut céder à tout moment. Aujourd’hui, l’espèce humaine a dépassé cette limite, elle est à 15 mètres. Si la glace n’a pas encore cédé, cela peut arriver prochainement. »

La limite de l’eau verte est la deuxième limite franchie depuis le début de l’année 2022, après celle de la pollution chimique en février. Quatre autres limites sont déjà dépassées : le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, l’utilisation des sols et les perturbations globales du cycle de l’azote et du phosphore. Il faut cependant noter que ces limites sont interdépendantes : le dépassement de l’une entraîne des modifications irrémédiables pour d’autres. Les trois dernières limites du modèle pourraient bien, elles aussi, être rapidement franchies : celle de l’acidification des océans, de la dégradation de la couche d’ozone et de l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère.

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