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Toutes les actualitésChiffre clé : 1 100 milliards de tonnes
C’est l’estimation du poids des bâtiments, infrastructures de transport et autres produits manufacturés atteint en 2020. Cette « masse anthropique » est désormais supérieure à la biomasse d’origine naturelle (végétaux, faune, forêts, milieux aquatiques…).
Le poids des produits fabriqués par l’humanité double tous les 20 ans. Selon une étude menée par des chercheurs du Weizmann Institute of Science (Israël) et parue dans la revue Nature, le point de bascule vient d’être atteint, cette masse anthropique dépassant de 0,1 teratonne, celle du vivant.
Un effondrement de la masse du vivant
Sous l’effet de la mondialisation, du progrès industriel et d’un certain mode de croissance qui utilise et détruit les ressources naturelles, la pression de l’empreinte humaine sur la terre ne cesse de croître alors qu’elle ne représentait que 3 % du poids total de la biomasse au début du XXe siècle. Selon les auteurs de l’étude, l’équivalent de 8 villes de la taille de New-York émergent chaque année. Le poids de la biomasse vivante se serait pour sa part effondré de moitié, depuis la période néolithique, il y a 10 000 ans. Agriculture intensive et déforestation ont causé la perte de 100 millions d’hectares de forêts durant ces 20 dernières années.
Cet instantané de l’état de la planète, fourni par l’étude, est remarquable en ce sens qu’il caractérise pour la première fois l’ère de l’Anthropocène en quantifiant son emprise. Sa portée est aussi symbolique et Ron Milo, chercheur au département des plantes et sciences environnementales de l’institut Weizmann des Sciences (Israël) espère que
ces chiffres assez choquants nous conduiront à prendre nos responsabilités en tant qu’espèce ».
Face aux limites du monde matériel
La tendance ne devrait malheureusement pas s’inverser selon les projections établies par les chercheurs, malgré les décisions qui pourraient être prises pour mieux protéger l’environnement. La production humaine, qui pèse environ 30 milliards de tonnes par an, pourrait être multipliée par trois et atteindre les 3 teratonnes à l’horizon 2040, si les rythmes de production actuels se poursuivent.
Des chiffres qui incitent à reconsidérer le rôle central des humains dans l’évolution du monde naturel vers une planète artificielle et leur responsabilité vis-à-vis des générations futures. La COVID-19, née d’une crise environnementale, l’a brutalement rappelé : les humains ne peuvent plus ignorer ni leur fragilité, en tant que membres d’un tout – le vivant -, ni la limite des ressources du monde matériel.
À ce propos, le Muséum National d’Histoire Naturelle a souhaité adresser un signal fort avec son manifeste « Face aux limites » qui invite les sociétés contemporaines à repenser leurs insertions dans les écosystèmes. Si le développement et le partage des savoirs ont permis à l’espèce humaine de dépasser ses limites naturelles, les modes de vie et de développement actuels se heurtent à des limites écologiques indépassables. Une réalité d’autant plus difficile à accepter et à faire évoluer que les effets des actions anthropiques sur le climat ou l’environnement ne sont pas forcément immédiats. Selon les auteurs, à vouloir vivre le présent, les humains oublient les leçons du passé et se projettent avec peine dans l’avenir.