Actualité
Toutes les actualitésLes cours d’eau des Balkans en péril
La situation environnementale des Balkans est critique. Depuis quelques années, les impacts des centrales à charbon sur la qualité de l’air sont régulièrement dénoncés. Cependant, la pollution atmosphérique n’est pas la seule à perturber la vie des populations. Les cours d’eau sont eux aussi victimes de pollutions qui mettent en péril leur bonne santé et, indirectement, celle des riverains.
Sous les déchets, l’eau
Sur le lac de Potpecko, dans l’ouest de la Serbie, des déchets s’étendent à perte de vue. Environ 8 000 m3 d’ordures se concentrent sur sa surface et dégagent une odeur nauséabonde. Plus au nord, la Drina, rivière dessinant la frontière entre la Bosnie-Herzégovine et la Serbie, est victime d’un phénomène similaire. Aux abords des centrales hydroélectriques de Visegrad et de Perucac, des îlots de déchets apparaissent régulièrement et perturbent le fonctionnement des centrales.
Malgré leurs efforts de nettoyage, les gestionnaires des barrages sont dépassés. Ces événements ne sont pas nouveaux, mais les observations faites depuis le début de l’année montrent qu’ils sont d’une ampleur inédite. En cause : de fortes crues qui ont emporté tous les détritus délaissés dans des décharges sauvages situées sur les rives. Le traitement des déchets est un problème structurel dans les Balkans. Les infrastructures vieillissantes ne répondent pas aux besoins et les ordures se retrouvent donc en pleine nature. En Macédoine du Nord, à Vardarishte, une ancienne décharge, officiellement fermée il y a près de trente ans, s’étend sur 170 000 mètres carrés. Des sacs plastiques, de l’électroménager ou encore de l’ameublement sont ainsi laissés à l’abandon, menaçant les écosystèmes et la santé humaine.
Des pollutions multiples qui menacent la santé des populations
La défaillance du système de collecte est en grande partie responsable. Au Kosovo, un rapport du gouvernement indique qu’entre 2017 et 2019, les décharges sauvages ont augmenté de 60 %, alors que seulement 1 habitant sur 2 bénéficie d’un service de ramassage des déchets. Dans toute la région des Balkans, les pouvoirs publics se détournent du problème. Aux échelles locales comme intergouvernementales, les autorités ne se concertent pas pour trouver des solutions communes durables, voire se rejettent la responsabilité.
Ces pollutions impactent directement la ressource en eau, d’autant plus qu’elles sont multiples. À Belgrade, la Save, affluent du Danube, est elle aussi en danger. La construction illégale de résidences secondaires sur ses rives porte directement atteinte à ses eaux et aux réserves d’eau souterraines qui alimentent la capitale serbe en eau potable. Une dégradation problématique dans un pays où, selon un rapport de l’Institut de la santé publique, au moins 50 municipalités fournissent de l’eau impropre à la consommation.
Les rivières Kosovares souffrent quant à elles des pollutions industrielles et d’un traitement des eaux usées très insuffisant. Dans un rapport intitulé « The Black Rivers of Kosovo », publié en mars dernier, l’Institut démocratique du Kosovo (Kosova Democratic Institute – KDI) indique que l’eau de la Sitnica, l’une des rivières les plus polluées, ne peut plus être utilisée pour alimenter les foyers ni même servir pour l’irrigation. Au sud de la capitale, la Graçanka qui alimente la ville de Gracanica et les villages alentour en eau potable, est contaminée par les mines de zinc. Elle contient des taux importants d’ions sulfate qui peuvent être à l’origine de diarrhées et de déshydratation. Devant ces atteintes manifestes à l’environnement et à la santé humaine les sanctions sont quasi inexistantes. En 2020, un rapport de la Banque Mondiale critiquait, notamment, la faiblesse des autorités kosovares pour faire appliquer les lois.
L’action de la société civile
Face à l’inaction des pouvoirs publics, la société civile se mobilise progressivement. Des associations comme Let’s do it Kosova ou Eco Center group en Serbie, mènent des actions de nettoyage, de plaidoyer et sensibilisent les populations. Pour mettre fin à ces pollutions, des poursuites judiciaires ont même été engagées contre plus d’une centaine de compagnies au Kosovo.
Par ailleurs, en Albanie, la société civile se mobilise face à un autre phénomène qui menace les cours d’eau des Balkans. Début février, des militants écologistes ont officiellement demandé la classification de la Vjosa en parc naturel pour contrer des projets de barrages et préserver l’un des derniers fleuves sauvages d’Europe. L’initiative a reçu le soutien de nombreux acteurs à travers le monde, telles que des ONG, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) ou encore de l’acteur Leonardo Di Caprio. Le problème des infrastructures hydroélectriques ne concerne pas uniquement l’Albanie. Au Monténégro, le nouveau gouvernement remet en cause la politique de ses prédécesseurs qui ont facilité la construction de microcentrales hydroélectriques sans se préoccuper de leurs impacts sur l’environnement. La nécessité de répondre aux besoins énergétiques des populations et les engagements vis-à-vis de l’Union Européenne pour produire de l’énergie verte ont conduit à une politique de développement d’infrastructures hydrauliques peu contrôlée et néfaste. Le même phénomène est à l’œuvre au Kosovo, en Serbie et en Bosnie-Herzégovine.
Adoptée en novembre 2020, la déclaration de Sophia sur le Green Agenda pour les Balkans occidentaux pose un cadre prometteur qu’il s’agira de concrétiser dans les prochains mois.