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4ème année de sécheresse pour le Mékong : la Commission tire à nouveau la sonnette d’alarme

Selon la Mekong River Commission (MRC), le fleuve entame une quatrième année de sécheresse record. Cette situation affecterait la sécurité alimentaire des millions d’habitants vulnérables qui dépendent de l’activité agricole et de la pêche développées autour du fleuve. Si l’accélération du changement climatique et l’augmentation des courants chauds dans l’océan Pacifique sont largement mis en cause, la gestion des barrages en amont n’est, quant à elle, pas contestée.

Un constat très inquiétant 

 

Dans un rapport technique réalisé sur la période 2019-2021 et rendu public en janvier : Faible débit et sécheresse sur le Mékong en 2019-2021″, la MRC confirme que le régime hydrologique du bassin du Mékong a considérablement changé depuis 2015 avec une saison sèche plus longue et une période de haut débit plus courte. Au cours des trois dernières années, les débits du Mékong principal ont atteint leur niveau le plus bas depuis plus de 60 ans. 2020 a été l’année la plus sèche du Mékong principal, avec des précipitations inférieures à la normale pour tous les mois sauf octobre.

Source: MRC

Mais la situation s’est dégradée dès 2019, année marquée par une sécheresse qui a largement pesé sur la gestion des débits en 2020 et 2021. En effet, la baisse du volume d’eau en 2019, causée par des pluies très faibles et une saison des pluies plus courte, a augmenté la prudence des gestionnaires des réservoirs, qui ont drastiquement augmenté le stockage en aval lors de la saison sèche suivante. Le régime d’écoulement a par conséquent été perturbé, précarisant notamment la production d’énergie des barrages inférieurs.

Pour constater les effets du retard de la saison humide et la faiblesse des pluies, les niveaux du lac Tonlé Sap, situé dans le bassin aval du Mékong et traversant le Cambodge, sont des indicateurs très pertinents. Du fait de sa position géologique exceptionnelle, le lac est traversé par un régime d’écoulement alternatif selon les saisons. Le rapport souligne ainsi que les débits inversés, principaux responsables du maintien du volume du lac, ont atteint leurs niveaux les plus bas depuis 60 ans en 2020 et 2021. La conséquente réduction des volumes du lac, qui abrite des ressources halieutiques majeures, seraient un contributeur majeur aux problèmes de pêche dans le delta du Mékong.

Des conséquences lourdes sur les conditions de vie des populations et la biodiversité

 

Ces années de sécheresse fragilisent la sécurité alimentaire des millions d’habitants vulnérables qui dépendent de la production halieutique et agricole permise par un fleuve autrefois très fertile. Le rapport estime que la sécheresse du lac Tonlé Sap en particulier est à l’origine de difficultés économiques importantes pour les populations riveraines.

Le Lac Tonlé Sap à un niveau de sécheresse critique – Source : The Phnom Penh Post, Alessandro Marazzi Sassoon

Outre la production alimentaire, cette situation est une menace immédiate au maintien de la biodiversité dans le bassin fluvial. Après l’Amazone, le Mékong abrite la plus grande biodiversité aquatique et constitue le plus gros réservoir de poissons d’eau douce au monde. Les populations de poissons sont menacées par les niveaux très bas du fleuve et du lac, qui les empêchent de migrer ou de se reproduire dans de bonnes conditions.

 

 

Aux racines du problème : le changement climatique et le phénomène El Nino/La Nina

 

A l’origine de ce bouleversement, le changement climatique, et plus précisément la diminution de la période de mousson, sont les premiers pointés du doigt. En effet, le cours principal du Mékong dépend du calendrier et de l’intensité des moussons en Asie du Sud Est, qui provoque une pointe de crue unique extrêmement nécessaire pendant la saison humide.

L’étude met aussi l’emphase sur l’impact du phénomène El Nino/La Nina, un dérèglement cyclique des échanges entre l’atmosphère et l’océan. Ce phénomène météorologique est à l’origine du réchauffement de l’Océan Pacifique, et cause selon les régions des précipitations intenses ou des sécheresses exceptionnelles. Il serait ainsi à l’origine de la diminution drastique des précipitations dans le bassin sur les dernières années.

Le rapport insiste cependant sur le fait que la gestion des barrages en amont n’est pas la principale cause du dérèglement du régime hydrologique du fleuve, contrairement à ce que pourraient suggérer d’autres études largement relayées dans la presse. Les auteurs favorisent ainsi la piste d’une combinaison unique entre dégradation du climat et sécheresse exceptionnelle. Dans cette situation, les opérations menées sur les barrages de stockage peut autant améliorer qu’empirer la situation.

Un appel à agir rapidement

 

Afin de mieux affronter les prochains épisodes de sécheresse et augmenter la visibilité en termes de production agricole et d’énergie, la Commission prend l’occasion de ce rapport pour formuler des recommandations à l’intention des six pays riverains du Mékong :

  • La Commission appelle tous les pays traversés par le Mékong à prendre des mesures rapides et drastiques face à la faiblesse des débits. Crée en 1995 par le Laos, le Cambodge, le Vietnam et la Thaïlande, la Mekong River Commission n’inclut pas la Chine, malgré le fait que le pays exploite onze barrages sur le fleuve et que celui-ci prenne sa source sur son territoire. La Commission pointe ainsi le besoin d’une prise de décision transfrontalière et coordonnée entre tous les acteurs pour la gestion opérationnelle du fleuve et en particulier de ses réservoirs.

 

  • De plus, la Commission insiste sur la nécessité d’une modélisation commune des risques. Un tel dispositif, appliqué en temps réel sur l’ensemble du bassin du Mékong, permettrait d’analyser les impacts des potentielles décisions prises par les différents pays sur leurs barrages respectifs, et donc de mieux coordonner le débit futur lors des périodes sèches. Il permettrait aussi la notification aux parties prenantes des fluctuations irrégulières des débits actuelles et à venir.

 

  • Enfin, la Commission encourage la création de nouveaux réservoirs dans le cadre de sa stratégie 2021-2030. Les capacités de stockage doivent être améliorées pour mieux gérer le bassin en cas d’événements météorologiques extrêmes, sécheresses et inondations.

 

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