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Toutes les actualitésInnovation : éclairer les nuages pour protéger la Grande Barrière de Corail
La Grande Barrière de Corail ne cesse de voir sa superficie se réduire. Pour freiner ce déclin de deux décennies, des interventions à grande échelle doivent être menées selon une récente étude publiée par la Royal Society. L’une des solutions pourrait-elle venir d’un prototype conçu pour refroidir les coraux et donc les protéger du blanchissement provoqué par la hausse des températures ? Il repose sur une technologie inédite d’éclaircissement des nuages.
Les origines du blanchissement
Sur l’emblématique Grande Barrière de Corail, les effets cumulés des cyclones tropicaux, des vagues de chaleur marine et des épidémies régulières d’étoiles de mer mangeuses de corail ont gravement réduit la couverture coralienne. Le changement climatique risque d’aggraver encore cette situation au cours des prochaines décennies, si des mesures efficaces ne sont pas mises en œuvre.
Les récifs coraliens sont considérés comme les écosystèmes les plus à risque. L’année 2020 a été marquée par le troisième épisode de blanchissement massif des coraux en seulement cinq ans. Le blanchissement affaiblit les coraux et peut les tuer, si les températures restent élevées. Selon les prédictions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat des Nations unies (GIEC), entre 70 et 90 % des récifs coraliens n’existeront plus si le réchauffement atteint +1,5°C. Or, « les coraux sont aux récifs ce que les arbres sont aux forêts. Si vous perdez le cadre, vous dites adieu à toutes les espèces qui en dépendent », explique Ken Anthony, docteur, et chercheur principal associé à l’Australian Institute of Marine Science. En l’absence de toute intervention, les modèles suggèrent que le taux moyen de corail sur chacun des 3 753 récifs individuels de la Grande Barrière de Corail tomberait à seulement 3 % d’ici 2070. Fait inédit et grave, en 2019, le gouvernement australien, a qualifié de « très mauvaises » les perspectives à long terme du récif.
Une technologie innovante
Pour protéger ces coraux, une expérience originale est testée, qui recourt à une turbine avec 100 buses à haute tension pour pulvériser des milliers de cristaux de sel marin nanométriques dans l’air, depuis l’arrière d’une barge. Cette technique a pour but de mélanger ces minuscules cristaux aux nuages de basse altitude, afin de rendre ces nuages plus brillants et donc leur permettre de réfléchir davantage la lumière du soleil loin de la surface de l’eau. L’équipe de recherche (Sydney Institute of Marine Science, l’Université de Sydney et l’Université technologique de Queensland), en partenariat avec l’équipementier italien EmiControls, poursuit les tests pour mesurer l’efficacité du dispositif.
L’expérimentation fait partie des 43 projets financés par le gouvernement australien, qui a annoncé début avril une enveloppe de 150 millions de dollars pour la recherche et le développement de programmes pour la protection des récifs.
Cette innovation suscite beaucoup d’espoirs dans la communauté des chercheurs grâce à son coût abordable et sa facilité de déploiement. « La nature fait le plus gros du travail pour vous », souligne le Dr Daniel Harrison, chef du projet à l’Université de Southern Cross, « cela fabrique un cristal de sel de taille nanométrique. Il est alors possible d’en propulser des centaines de trillions par seconde. Ils entrent dans un nuage et reflètent beaucoup plus la lumière du soleil ».
Les prochaines étapes permettront de s’assurer des éventuels autres impacts de ce procédé dans le milieu marin et sur la pluviosité locale, sur terre et en mer. Les chercheurs souhaitent également renforcer le dispositif par des turbines plus puissantes, pour multiplier par dix l’impact et agir sur de plus larges superficies aquatiques.
Néanmoins cette solution à elle seule ne sera pas suffisante, encore moins si la hausse des températures n’est pas contenue. Agir à la source du mal reste nécessaire, par la réduction de l’émission de gaz à effet de serre.