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Interview de Mirdad Kazanji, directeur de l’Institut Pasteur de la Guyane
Mirdad Kazanji est le directeur de l’Institut Pasteur de la Guyane et membre d’IAGF. A l’occasion de la session qu’il va accueillir, il nous présente les grands enjeux de la gestion de l’eau dans cette région et l’intérêt de réunir les membres de notre association autour du sujet de la santé.
Quels sont les principaux défis que doit aujourd’hui relever la Guyane dans sa gestion de la ressource en eau ?
Il y a pour moi trois grands types d’enjeux en Guyane qui est un pays riche en eau, mais qui exploite mal cette ressource : sanitaires, énergétiques et sécuritaires. Dans les villages reculés, l’accès à l’eau potable ainsi que les équipements d’assainissement des eaux usées restent limités. Les habitants de ces villages utilisent des puits pour boire et cuisiner. L’eau est souvent contaminée par des matières fécales ou des métaux lourds comme le plomb ou le mercure souvent liés aux activités illégales d’orpaillage le long du Maroni. Produire de l’énergie avec cette ressource est un autre défi de taille. On compte un seul barrage hydroélectrique et il y a eu très peu d’expérimentations de barrages au fil de l’eau. Le transport fluvial est par ailleurs peu règlementé, alors que de nombreux piroguiers transportent les personnes et les marchandises, notamment sur l’Oyapock et le Maroni. Il serait intéressant de rendre ces fleuves navigables pour que le transport soit plus sécurisé et moins polluant.
De quelle manière l’Institut Pasteur s’implique-t-il sur ce sujet de la ressource en eau ?
L’Institut Pasteur, présent en Guyane depuis 1940, joue un rôle important dans l’identification, la prévention et le traitement des maladies infectieuses. Il est équipé des infrastructures uniques dans la région pour accomplir des missions de recherche, d’appui à la santé publique et de formation. Les analyses d’eau des fleuves et des puits se font uniquement aujourd’hui à l’Institut Pasteur en collaboration avec l’Agence régionale de santé (ARS).
Nous réalisons aussi des enquêtes épidémiologiques sur le terrain pour comprendre la circulation des maladies infectieuses et vectorielles notamment dans les régions situées à proximité des fleuves. Celles-ci sont plus vulnérables aux maladies transmises par les moustiques comme la dengue, le Zika ou le chikungunya. À cela s’ajoutent les maladies hydriques. La Guyane a été touchée il y a plusieurs années par une épidémie de choléra, maladie transmise par l’eau. Il y a aujourd’hui des épidémies de gastroentérites accentuées par la contamination des puits avec un risque de mortalité élevé chez les enfants en bas âge.
Qu’attendez-vous de la prochaine session d’IAGF ?
Malgré la présence si importante d’eau en Guyane, il n’y a jamais eu de véritable réflexion sur ses liens avec la santé et je me réjouis de cette première ! Faire un focus sur le Maroni et toutes les problématiques de santé autour du fleuve est une occasion unique de mettre tous les acteurs autour d’une même table pour réfléchir ensemble à la manière de réduire les problèmes liés à l’assainissement, aux maladies infectieuses et aux dégâts causés par les activités d’orpaillage illégal.
Cet événement est aussi l’occasion de faire prendre conscience au grand public de l’importance des fleuves, qui sont sources de vie, mais aussi du danger que peut représenter l’eau si elle n’est pas bien gérée.