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Toutes les actualitésLa ville éponge, une réponse efficace à la pénurie d’eau dans le sud de la Chine ?
Fin 2021, les mégapoles du sud de la Chine mettaient en garde les habitants et prenaient des mesures de limitation de consommation de l’eau alors que la rivière Donjiang (Est), affluent du fleuve des Perles, est frappée depuis des années par une grave sécheresse. Il est la principale source d’approvisionnement des villes de Guangzhou et Shenzhen mais, entre janvier et octobre, les précipitations ont diminué d’un quart par rapport à la moyenne de la dernière décennie, selon le gouvernement de Guangzhou. Le principe des villes éponges, déjà mis en œuvre dans plusieurs villes d’Asie, est-il la réponse à cette pénurie d’eau ? Deux chercheurs, spécialisés dans l’eau, ont travaillé sur cette question, et publié leurs réflexions dans la revue The Diplomat.
Une demande en eau en constante évolution
90 % de l’alimentation de la ville de Shenzhen, qui compte 40 millions d’habitants, provient de la rivière Est, qui sert aussi d’autres grands pôles urbains comme Hong Kong et Guangzhou.
La poussée démographique, couplée aux activités économiques, exerce une pression désormais trop forte sur la ressource en eau, de plus en plus rare. La pénurie d’eau est estimée à 890 millions de mètres cubes d’ici à 2030.
Le gouvernement local a imposé plusieurs mesures d’urgence telle que la réutilisation des eaux usées et la chasse aux fuites d’eau au niveau des infrastructures de distribution. D’autres actions à plus long terme pourraient être prises, comme les transferts d’eau entre bassins et le recours aux solutions fondées sur la nature, très présentes dans le concept de villes éponges pour mieux infiltrer, retenir et stocker l’eau de pluie et gérer ainsi plus durablement l’eau en ville.
Une planification urbaine repensée
Les villes éponges cherchent à réduire l’impact des inondations et les pénuries d’eau en intégrant l’eau comme ressource et non comme menace dans la ville. Ce nouveau modèle d’aménagement urbain est influencé par le concept chinois de développement harmonieux entre l’homme et la nature et de développement à faible impact, et par les expérimentations menées ailleurs pour drainer les eaux de pluie.
Fondée sur une approche systémique du cycle de l’eau en milieu urbain, la ville éponge évite au maximum le rejet des eaux de pluie dans les égouts et cours d’eau des rivières pour privilégier une économie circulaire de réutilisation. Le recours aux sources d’eau non conventionnelles pour subvenir aux usages domestiques et industriels est aussi encouragé, comme la désalinisation de l’eau de mer et le traitement des eaux grises.
En 2020, le Re-use ou la réutilisation de l’eau à Shenzhen s’élevait à 125,5 millions de mètres cubes (eaux usées recyclées en grande partie), soit environ 6 % de l’approvisionnement total en eau. Shenzhen vise à ce que les eaux usées recyclées représentent 15 % de son approvisionnement total en eau, contre 27 % à Pékin et 40 % à Singapour. Ville pilote choisie dès 2016 par les autorités chinoises pour mettre en œuvre le programme national de ville éponge, Shenzhen a déjà converti plus de 28 % des zones bâties selon ces nouveaux critères et vise un objectif de 80 % d’ici à 2035.
Le concept présente néanmoins déjà quelques limites en termes d’adaptation au changement climatique, en ne prenant pas suffisamment en compte le risque de sécheresse. Développée en premier lieu pour prévenir les inondations, la ville éponge devra aussi répondre à la demande en eau croissante et à l’accélération de la fréquence et de l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes.
Pour faire face à la pénurie d’eau à Shenzhen, les objectifs des villes éponges devraient ainsi être réorientés de la réduction des risques d’inondation et de la pollution des eaux de ruissellement vers la réduction de la demande en eau douce et la réutilisation plus importante des eaux de pluie et eaux usées.
Enfin, les solutions vertes ne doivent pas être limitées aux zones urbaines, l’eau étant par nature un « fil de vie » qui unit des territoires. La transformation doit s’effectuer à l’échelle plus large des bassins fluviaux pour une politique globale de gestion intégrée des ressources en eau dans la région de la Grande Baie.
Pour en savoir plus sur les perturbations climatiques en Asie du Sud-Est, lire l’article IAGF : Des crues exceptionnelles en Asie du Sud-Est