FR EN ES Recherche
  1. Accueil
  2. Actualités passées
  3. L’unique fleuve de Tunisie se meurt

Actualité

Toutes les actualités

L’unique fleuve de Tunisie se meurt

La Medjerda. Copyright DrFO.Jr.Tn

Au 1er janvier 2021 a pris effet le décret signé en janvier 2020 par le Président Tunisien Kaïs Saïed, portant sur l’interdiction de la production, de la distribution, de l’importation et de la détention de tous les types de sacs plastiques à usage unique. Chaque année, les Tunisiens consommeraient près d’un milliard de sacs plastiques, qui participent à la pollution de la Medjerda, seul cours d’eau pérenne en Tunisie.  


Un fleuve à l’agonie

 

La Medjerda, seul fleuve de Tunisie, est à l’agonie, polluée par les activités humaines présentes tout au long de son linéaire de 350 kilomètres du nord du pays à la mer Méditerranée. Ses eaux ne sont plus qu’un liquide trouble et épais. Les oueds sont tout autant pollués que leur fleuve.

Historiquement terre fertile pour le développement de l’agriculture et berceau de nombreuses civilisations (numides, puniques et romaines), le bassin de la Medjerda représente toujours l’essentiel des réserves en eau de surface du pays et irrigue 80 000 hectares de terres agricoles. Il continue à approvisionner plus d’un tiers de la population en eau potable.  Mais la qualité de ses eaux ne cesse de s’amoindrir et les agriculteurs de la région doivent faire face à un terrible dilemme : irriguer leurs terres pour subvenir à leurs besoins tout en sachant que cette eau détruit peu à peu l’environnement, pourrissant les arbres, augmentant le taux de sel dans les sols et appauvrissant la terre petit à petit.

 

Une pollution multiple

 

La pollution de la Medjerda provient essentiellement des usines installées sur les rives du fleuve qui déversent ouvertement depuis des années leurs déchets dans le fleuve et ses affluents. Depuis 2018, les rejets des usines sont officiellement reconnus grâce à une étude du ministère de l’Environnement tunisien ayant pour conclusion qu’« une pollution organique caractérisée par une très forte demande chimique en oxygène, un appauvrissement en oxygène et des concentrations élevées en éléments phosphorés, qui dépassent généralement les valeurs limites admissibles » est bien présente dans ce fleuve.

Combinés, les rejets des eaux usées urbaines et des sites industriels sont évalués à 60 000 tonnes de polluants chaque année.

La Medjerda. Copyrigtht TamerSharkas.

En amont, dans les oueds, les stations d’épuration qui traitent les eaux usées domestiques avant leur rejet dans le fleuve sont en pleine rénovation, après qu’ait été découvert un problème majeur : elles participent plus à la dégradation de la Medjerda qu’à sa protection. Les concentrations les plus fortes de coliformes et de streptocoques ont ainsi été détectées à Bou Salem, au nord-ouest du pays, à proximité d’une des stations d’épuration les plus importantes. Par ailleurs, en aval, c’est l’absence d’infrastructures d’assainissement qui se fait sentir. Les villes ayant grandi à une vitesse trop importante, les infrastructures proposées par les urbanistes et l’administration tunisienne n’ont souvent pas été mises en place assez tôt.

Des mesures mises en œuvre

 

Face à l’urgence, Alaa Marzouki, directeur de l’Observatoire Tunisien de l’Eau, plaide pour un changement du cadre juridique :

nous avons proposé un code citoyen de l’eau, où on a intégré le principe de pollueur-payeur. On réclame aussi que l’eau soit gérée par une seule entité, pour minimiser le nombre d’intervenants et éviter de déresponsabiliser les acteurs. »

Selon lui, un chantier plus important encore attend la Tunisie, celui du changement des mentalités : « dans l’eau, on ne voit plus que des chiffres, on ne voit pas cette source de vie », pointant du doigt des pratiques en contradiction avec la préservation d’un fleuve.

Le 3 décembre dernier, l’Agence française de développement en Tunisie a lancé « Biodev30 » pour contribuer à réconcilier nature et développement.

Ces initiatives se font à l’aune de la fermeture de nouvelles plages, dûe à la pollution plastique. Un rapport publié en juin 2019 par le Fonds mondial pour la nature (World Wide Fund for nature – WWF) établit que « dans 10 ans, toutes les plages en Tunisie seront polluées par le plastique ».

Mettez à jour votre navigateur pour consulter ce site