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Toutes les actualitésUne "méga-sécheresse" au fleuve Colorado
Le fleuve Colorado est au cœur des inquiétudes du sud-ouest américain, frappé par la sécheresse et pourtant fondamental pour les sept États qui en dépendent. Le 25 mai dernier, le niveau du lac Mead – le plus grand réservoir américain – a atteint 44 mètres en dessous de sa cote habituelle, et ne remonte pas pour le moment. Les dernières projections du Gouvernement fédéral sont critiques, prévoyant l’atteinte du seuil de pénurie en 2022 et de nécessaires grandes restrictions d’eau en Arizona, au Nevada et au Mexique.
Un fleuve asséché
Nombre de scientifiques décrivent les deux dernières décennies dans cette région des États-Unis, déjà marquée par les stigmates du dérèglement climatique, comme une « méga-sécheresse », et le fleuve en subit les conséquences, puisque son débit a diminué de 20 % depuis le début du siècle.
« Nous aurons des années plus humides et plus sèches à l’avenir, mais les températures globalement plus chaudes signifient que nous devrions nous attendre à un bassin plus sec avec moins d’eau, avance Laura Condon, professeure adjointe d’hydrologie et de sciences atmosphériques à l’Université de l’Arizona. Les températures plus chaudes augmentent la quantité d’eau utilisée par les plantes et diminueront à terme le manteau neigeux. Même si nous avons exactement la même quantité de précipitations, un bassin plus chaud verra un débit moindre du fleuve. »
La réduction des manteaux neigeux est déjà marquée dans tout l’Ouest Américain. Elle a bien évidemment un premier impact sur les débits du fleuve au printemps et en été. L’eau de fonte est par ailleurs absorbée par les sols, au lieu d’alimenter les eaux de surface.
Un avenir sombre
Il s’agit de changements à long terme à l’échelle du bassin et ils nécessiteront une action collective et une coopération. Si nous avons toujours beaucoup moins d’eau dans le fleuve, nous aurons besoin d’entente pour faire face à cette nouvelle réalité », explique Laura Condon.
Devant l’urgence de la situation, l’administration Biden a annoncé former un groupe de travail interagences pour faire face à l’aggravation de la sécheresse dans l’Ouest. Il s’agit également de soutenir les communautés et travailleurs touchés par cette pénurie, qui font d’ores et déjà des efforts sur la consommation d’eau. Cependant, des scientifiques craignent que les hypothèses avancées par ce groupe ne soient basées sur des conjonctures optimistes et « ne rendent pas pleinement compte de l’aridification du bassin du fleuve Colorado induite par le changement climatique » (Eric Kuhn, chercheur sur l’eau).
Devant cette catastrophe à venir d’un système fluvial approvisionnant plus de 40 millions de personnes, le professeur Amir AghaKouchak, professeur au département des sciences du système terrestre de l’université d’Irvine, affirme : “nous devons nous préparer à un cycle hydrologique différent, fondamentalement.”
En cas de pénurie de niveau 2 – ce qui selon les estimations de l’USBR (United States Bureau of Reclamation) pourrait se produire dès la fin 2022 – des coupures d’eau obligatoires en Arizona, au Nevada, au Mexique et en Californie seront mises en place.
Le Colorado en quelques chiffres
Le fleuve Colorado s’étend sur 2 330 kilomètres des montagnes Rocheuses jusqu’au Golfe de Californie. Il fournit une bonne partie de l’eau douce à des millions de personnes aux Etats-Unis et au Mexique. Il soutient également une production d’électricité qui couvre les besoins de 3 millions d’habitants et permet d’irriguer 15 % des cultures des Etats-Unis.