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Toutes les actualitésLa Moulouya, fleuve marocain qui n’atteint plus la mer
Depuis quelques semaines, un des grands fleuves du Maroc, la Moulouya, n’arrive plus jusqu’à la mer. En cause, une combinaison d’effets liés à la surexploitation des eaux du fleuve et au changement climatique.
La Moulouya, fleuve riche mais sous pression
La Moulouya est un fleuve marocain de 520 km de long qui prend sa source dans les montagnes Ayashi du Moyen Atlas et se déverse dans la Méditerranée près de Saïda, au Nord-Est du Maroc. Le fleuve est massivement utilisé pour l’irrigation des cultures par les agriculteurs, irrigation facilitée par plusieurs barrages sur son cours, notamment les barrages Hassan II et Mohammed V.
L’embouchure de la Moulouya a été classée site d’intérêt biologique et écologique (SIBE, type d’aire protégée au Maroc), puis site RAMSAR en 2005. Il s’agit donc d’une zone riche en biodiversité aquatique marine, d’estuaire, d’eau courante, palustre et lacustre, aujourd’hui en danger.
Une remontée des eaux salines
Aujourd’hui, le fonctionnement de cette embouchure est complétement transformé. Ce n’est plus la Moulouya qui se déverse dans la mer, mais la mer qui pénètre dans le fleuve. Les eaux salines remontent jusqu’à presque 15 km depuis son embouchure, une catastrophe pour la biodiversité aquatique inadaptée à la teneur élevée en sel de la mer, et pour les sols, qui souffrent eux aussi d’un trop plein de sel.
Ce phénomène est provoqué par la forte diminution des eaux fluviales sous l’effet de la sécheresse qui perdure depuis plusieurs années.
Une catastrophe écologique et économique
Les premiers touchés par l’assèchement du fleuve dans la région sont les agriculteurs. Dans cette région du Rif, ils se retrouvent en manque d’eau douce pour irriguer leurs champs et dans l’impossibilité d’utiliser l’eau du fleuve en raison de sa salinité : ils sont démunis face à leurs cultures ravagées par le manque d’eau. Entre agriculteurs, de potentiels conflits pourraient voir le jour : sur décision du Ministère de l’Agriculture du pays, le peu d’eau douce disponible va en priorité aux producteurs d’arbres fruitiers plutôt qu’aux maraîchers.
Au-delà de l’enjeu agricole, c’est l’ensemble de l’écosystème de l’embouchure, largement dépendant des crues normalement fréquentes de la Moulouya, qui est à risque. La biodiversité de ce site RAMSAR, sa faune et sa flore, (poissons migrateurs et estuariens, oiseaux) ne sortiront sûrement pas indemnes de cette catastrophe écologique.
Un fleuve surexploité
Pour les agriculteurs, ce sont des infrastructures trop nombreuses le long de la Moulouya, entre barrages et stations de pompage, et une mauvaise gestion de l’eau en général qui sont à mettre en cause. L’exemple le plus récent est l’installation d’une station de pompage près de la ville de Zaïo en amont il y a six mois : il permet d’irriguer des dizaines de milliers d’hectares à cet endroit mais prive d’eau la Basse Moulouya et ses agriculteurs.
D’ailleurs, au-delà de ces infrastructures, c’est bien la surexploitation de l’eau de la Moulouya pour l’agriculture à travers les prélèvements d’eau qui contribue à exercer une pression accrue sur le fleuve.
Les effets de cette surexploitation sur la Moulouya sont exacerbés par le changement climatique : selon le Ministère de l’agriculture du pays, la pluviométrie devrait être en constante baisse d’ici 2050 (-11 %), et la température augmenter d’au moins 1.3° C. Conjugués, ces deux éléments emmènent le Maroc vers une baisse de la disponibilité de la ressource en eau pour l’irrigation d’au moins 25 %.
Un avenir peu réjouissant attend donc le fleuve Moulouya, son embouchure, sa biodiversité et les habitants de la région, si rien n’est fait pour s’adapter aux conditions du changement climatique.