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Une nouvelle frontière sur le fleuve Maroni

Crédit photo : Ronan LIÉTAR / IMAZONE

Le 15 mars dernier, le Suriname et la France ont reconnu officiellement le tracé de la frontière entre les deux pays sur le Maroni, sur plus de 400 km. Des deux côtés du fleuve, cet accord met fin à quatre siècles d’ambiguïtés et relance la coopération pour une meilleure gouvernance.

 


Un accord historique

Depuis toujours, les communautés locales telles les Amérindiens et Bushinenge occupent indistinctement les deux berges du Maroni, impétueux fleuve qui sépare et unit la Guyane française et le Suriname, l’ex-Guyane hollandaise, devenue indépendante en 1975. En 2019, au cours de son voyage de travail, lors de la session de travail organisée en 2019, les membres d’IAGF avaient pu le constater : bassin de vie et de culture, riche de nombreux groupes ethniques, le Maroni est tout sauf une frontière administrative. Une identité s’est construite au fil des siècles depuis le fleuve et les populations s’en revendiquent, sans notion de nationalité ou de droit du sol.

 

Guyane Française, fleuve Maroni.

Néanmoins, le flou qui entourait la délimitation frontalière devenait de plus en plus source de tensions diplomatiques et freinait la coopération pour lutter contre les nombreux trafics. Entamées en 2019, les négociations ont abouti à la signature d’un accord le 15 mars 2021, entre les autorités françaises et surinamaises, soit quatre siècles après l’arrivée des colons européens. Une frontière indiscutable délimite enfin officiellement les deux pays, sur les parties aval et médiane du bassin versant transfrontalier, de l’embouchure à Antecume Pata.

Tracer cette frontière sur 450 km du fleuve et sur son affluent la Lawa, parsemés de plus de 900 îlots, a nécessité de la part des autorités françaises et surinamaises un long travail sur le terrain de prise de contact avec les populations locales et de reconnaissance visuelle systématique de ces iles, facilitée par la technologie satellitaire. Il s’agissait aussi de définir des critères pour déterminer la souveraineté de ces hameaux, comme la nationalité des investissements réalisés (débarcadère, abri, groupe électrogène) ou le sentiment d’appartenance des habitants.

Les négociations doivent se poursuivre pour la portion la plus au sud, en amont d’Antecume Pata et de la confluence entre le Litani et le Marouini. Dans cette région encore contestée de 6 000 km2, le réseau hydrographique forme un lacis d’innombrables cours d’eau où les bras du fleuve et ses affluents, les îlots, les sauts ou rapides se multiplient. La France revendique une frontière fixée le long du Litani, tandis que le Suriname la place plus à l’est, sur le Marouini.

 

La nécessaire coopération transfrontalière

Cette étape diplomatique clé ouvre d’importantes perspectives pour cette région, marquée par de forts enjeux sécuritaires, sanitaires et environnementaux. Une région en pleine transition démographique et écologique dont l’avenir est plus qu’ailleurs déterminé par celui de son fleuve.

Parc Amazonien de Guyane.

Une déclaration sur « la gestion commune du fleuve Maroni et de la rivière Lawa » a également été signée à cette occasion. Lutte contre l’orpaillage illégal, protection du fleuve et de ses populations, aménagement et entretien du fleuve et des berges… Cet accord donne un nouvel élan à la coopération entre les deux pays, stipulant notamment une consultation pour tout projet ayant une incidence sur les eaux du fleuve. Ces dernières décennies, la difficile coopération transfrontalière a favorisé dans ce bassin le développement de l’orpaillage illégal, un fléau environnemental (destruction du lit des cours d’eau, déforestation) mais aussi sanitaire (contamination des eaux par le mercure) et sécuritaire. Selon le Parc Amazonien de Guyane, sur les 148 sites miniers illégaux au sein du parc, 85 % se situent sur le bassin versant du fleuve Maroni en janvier 2021 et bénéficient d’apports logistiques transfrontaliers.

Le projet de coopération Bio-Plateaux lancé en 2018 participe également au partage de connaissance et d’expérience sur l’eau et la biodiversité dans les milieux aquatiques pour les bassins versants transfrontaliers du Maroni (entre la Guyane française et le Suriname) et de l’Oyapock (entre la Guyane française et l’État fédéré de l’Amapá au Brésil). Il a permis la mise en œuvre d’un observatoire transfrontalier pour la production et diffusion des données et le renforcement des capacités.

Pour en savoir plus sur l’histoire de cette frontière entre Suriname et Guyane, géopolitique d’un tracé, lire l’article scientifique de Patrick Blancodini, sur le site Géoconfluences, octobre 2019

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