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En Turquie, les lacs se transforment en déserts

Ces cinquante dernières années, plus de la moitié des 300 lacs naturels de Turquie se sont asséchés. Une catastrophe pour nombre d’espèces animales, notamment migratoires.

 

Une disparition progressive des lacs

En l’espace de moins d’un siècle, ce sont 60 % des 300 lacs naturels de Turquie qui ont disparu à cause d’une sécheresse persistante et d’une réduction du débit des fleuves du pays. La moitié des zones humides, habitats indispensables au mode de vie des oiseaux migrateurs en provenance d’Afrique, ont aussi été perdues ces 70 dernières années.

Cette année, c’est le lac Akgol à l’Est de la Turquie, qui s’est entièrement asséché. Le phénomène d’assèchement avait commencé il y a une dizaine d’années mais le lac a complètement disparu en 2021. Le peu de neige hivernale n’a pas fourni suffisamment d’eau de fonte au printemps pour alimenter le lac. Le niveau du lac Tuz, l’un des plus grands lacs salés au monde et le deuxième plus grand lac de Turquie, situé dans la province de Konya en Anatolie centrale, a reculé de près de 10 km selon les habitants.

Lac Van, à l’Est de la Turquie / DHA Photo

20 000 oiseaux y naissent normalement au printemps, sa forte teneur en sel en faisant un terrain de reproduction idéal pour de nombreuses espèces d’oiseaux migrateurs, dont les flamants roses. Même le deuxième plus grand lac du Moyen-Orient, et le premier en Turquie, le lac Van, est touché par un recul de plus de 200 mètres !

Certains lacs asséchés, alimentés en majorité par des eaux de pluie, pourraient ne jamais retrouver leur niveau d’antan. Bien qu’on les appelle encore lacs, il s’agit désormais bien de déserts où la biodiversité non-adaptée a peu de chances de survivre.

 

Des conséquences dramatiques pour la biodiversité

Les plus affectés par l’assèchement de ces lacs sont les oiseaux migrateurs. Les flamants roses par exemple : près de 5 000 jeunes sont morts en juillet à la suite de l’assèchement du lac Tuz. L’eau y a tellement reculé que beaucoup d’entre eux n’ont pas réussi à atteindre les berges. Sur les autres lacs, mouettes et rapaces sont forcés de changer leur régime alimentaire à cause d’une population piscicole réduite et se tournent vers des aliments dangereux pour leur survie, comme des déchets ou des animaux morts qui peuvent être porteurs de parasites.

 

Agriculture et inadaptation au changement climatique

Les causes de l’assèchement et de la disparition de ces lacs sont multiples et se renforcent les unes les autres. L’agriculture est pointée du doigt, les agriculteurs détournant des canaux qui alimentent normalement le lac pour irriguer leurs terres et faire boire leur bétail. Dans la région d’Akgol, ces pratiques agricoles non durables causent jusqu’à 60 % de perte de la ressource en eau. Les stations de pompages illégales jouent aussi un rôle majeur (100 000 sur 1 665 km2 du lac Tuz).

Lac Tuz, dans la province d’Aksaray, le 26 Oct. 2021. Credit: AP Photo/Emrah Gurel

Le changement climatique contribue aussi en grande partie à cette disparition avec une diminution des précipitations conjuguée à une augmentation des températures. Au-delà des effets mêmes du changement climatique cependant, c’est le manque de politiques d’adaptation qui sont mises en cause ici, notamment en ce qui concerne l’agriculture et la gestion de l’eau. Selon les experts, la Turquie doit absolument mieux se préparer aux effets du changement climatique, notamment à travers la ré adoption de méthodes traditionnelles d’agriculture. En Anatolie, cela se traduit par l’utilisation de terrasses d’irrigation et la culture des plantes indigènes comme l’origan ou la lavande pour lesquelles peu d’eau est nécessaire. A l’heure actuelle, l’agriculture est plutôt concentrée sur la culture du maïs ou de la betterave sucrière, qui nécessitent d’importantes quantités d’eau.

La ratification de l’Accord de Paris par la Turquie le 6 octobre 2021, imposée par les nombreuses catastrophes qui ont touché le pays cette année (assèchement des lacs, feux de forêt meurtriers, inondations), devraient lui permettre d’accéder à des fonds économiques de soutien et à des partages de technologies. Mais cela ne sera pas suffisant pour certains de ses lacs, déjà condamnés.

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